L'actualité du football européen à travers ses buteurs d'exception.

mercredi 1 janvier 2014

On 1/01/2014 by Unknown in

J’avais 11 ans le 6 mai 1998 quand je suis allé au Parc des Princes voir l’Inter Milan étriller la Lazio de Rome 3 à 0 en finale de Coupe de l’UEFA. Ce soir-là, mon père m’avait dit de bien regarder le numéro 9 de l’équipe intériste. Son positionnement, ses déplacements, ses appels, sa conduite de balle. Que pour devenir le meilleur défenseur du monde, il fallait être capable d’arrêter cet homme-là.

Au fil du match, j’ai vite compris que jamais je ne deviendrai le meilleur défenseur du monde tant que ce mec foulerait les pelouses. Et Alessandro Nesta, pourtant plusieurs fois cité parmi les meilleurs défenseurs centraux de la planète football, devait ce soir-là se dire la même chose. Luiz Nazário de Lima, dit Ronaldo, marquera le point final, d’une feinte qui m’aurait envoyé dans les panneaux publicitaires, à cette victoire tranquille face à une Lazio résignée devant tant de facilité. 



Seul joueur capable de coller un triplé à Old Trafford avant de sortir sous une ovation du public en portant le maillot du Real Madrid, « Il Fenomeno » (le Phénomène) est l’idole de Zidane qui dit de lui qu’il a tout pour lui. Même Zlatan Ibrahimovic, plus habitué à parler de lui à la 3ème personne qu’à faire des louanges sur un autre joueur, ne s‘y trompera pas le 26 novembre 2012 : « le plus grand joueur de l’histoire, c’est Il Fenomeno […]. Tout jeune joueur veut être comme Ronaldo ».

Luiz Nazário da Lima, dit Ronaldo, aka Il Fenomeno, alias R9
Né en 1976 dans la banlieue de Rio, Dadado, comme l’appelait son frère ainé,  fera vite comprendre à son prof de maths que le seul rectangle qui l’intéresse c’est le terrain de foot. Il claque 160 buts en une saison de futsal à l’âge de 13 ans et pulvérise déjà tous les records. Il intègre ensuite une équipe de 2ème division brésilienne (São Cristovão) et fait les beaux jours des catégories jeunes de son équipe ainsi que de la sélection nationale des moins de 17 ans en terminant meilleur joueur et meilleur buteur du championnat d’Amérique du Sud.
Tout va très vite pour celui qui a les dents qui rayent le parquet, au sens propre.  Comme Pelé et Maradona, il devient pro avant ses 16 ans. Il signe à Cruzeiro en 1993 et passe en revue les plots qui servent de défenseurs dans le championnat national. Il marquera plus de 50 buts entre 1993 et 1994, de quoi gagner une place de spectateur sur le banc de la Seleção au Mondial 1994.

L’Europe lui fait alors les yeux doux,  et c’est finalement le PSV Eindhoven qui verra éclore le vrai meilleur joueur de l’Histoire, en 1994. Dès les premières journées du championnat néerlandais, les défenseurs rendent hommage aux défenseurs brésiliens et mettent tout en œuvre pour que le minot se sente comme à la maison. Très rapide, ce joyau du football moderne allie parfaitement technique et puissance, capable d’éliminer n’importe quel défenseur grâce à une double accélération fulgurante. Résultat des courses : 30 buts en 33 matchs de championnat pour sa première saison aux Pays-Bas, très loin devant l’autre as de la gâchette Patrick Kluivert (18 buts).  Une deuxième saison un peu gâchée par une blessure ne déchauffera pas  le Barça de Hristo Stoichkov qui l’enrôle pour huit saisons.
« Son jeu de jambes était fantastique, je n’ai jamais vu quelqu’un avec de meilleurs mouvements » – Zico
Arrivé dans un championnat plus relevé et plus médiatisé, il marque une nouvelle fois les esprits. 47 buts toutes compétitions confondues et un statut de pichichi en poche, R9 poursuit son récital. Un bulldozer ultra-rapide vêtu d’un tutu, bien illustré par la vidéo qui suit… Si vous n’êtes pas transpercé par sa puissance et sa vitesse, sa technique vous fera danser la samba.




Cette fois le doute n’est plus permis, le gamin va mettre le monde à ses pieds. En fait, le monde est déjà à ses pieds. Il quitte le Barça pour l’Inter Milan 12 mois après son arrivée, déçu. Une belle boulette des dirigeants Barcelonais qui auront laissé filer le futur plus jeune Ballon d’or de l’histoire, élu en 1997 avec 150 points de plus que Mijatovic (Real Madrid) après avoir troué les filets à 62 reprises toutes compétitions confondues. Un plébiscite pour celui que l’on nomme désormais « Il Fenomeno », premier brésilien à recevoir la récompense.

Un palmarès miné par des guiboles trop fragiles.
Mais Ronaldo, c’est également un palmarès qui aurait pu renvoyer Zahia au couvent s’il n’avait pas eu des genoux en carton. Avec Zahia comme sur le terrain, le problème, c’est son coup de rein. Des changements de direction que son corps ne supporte pas.
En finale de la Coupe du monde 1998 déjà, il ne joue pas à 100%. On lui prête volontiers une crise d’épilepsie la veille du match, voire une crise cardiaque pour les plus audacieux. Bref, toujours est-il qu’il verra notre Zizou national lui voler la vedette. Et un, et deux, et trois zéro… Il sera tout de même élu joueur du tournoi, meilleur joueur et meilleur attaquant de l’année par l’UEFA. Pas de quoi effacer ses regrets, lui qui « rêve encore de rejouer cette finale »
Oui mais voilà, vitesse, puissance, sens du dribble et  lecture du jeu ont fini par enrayé la machine du meilleur joueur FIFA 96 et 97.  En 1999, déjà gêné depuis quelques mois par des inflammations aux tendons rotuliens, il se rompt le ligament du genou droit et laisse des fans meurtris. S’en suivront deux années de galère et de larmichettes.

Mais aurait-on pu dire que R9 est le meilleur joueur de l’Histoire sans cette traversée du désert ? Je ne pense pas.




Alors qu’en 2002 Alessandro Nesta et moi nous nous remettions à rêver du titre de meilleur défenseur du monde,  et même si l’ancien dirigeant de l’Inter Sandro Mazzola pensait qu’Il Fenomeno n’existait plus, Scolari le sélectionne pour le mondial. Il plantera 8 buts, dont 2 en finale contre l’Allemagne pour offrir sa 5ème étoile à la Seleção. Ronaldo, ce Phoenix, sera une nouvelle fois élu Ballon d’or cette année-là. Sans oublier un nouveau titre de meilleur joueur FIFA, de soulier d’or de la Coupe du monde, de sportif de l’année (Reuters et BBC) et du plus bel exploit sportif de l’année. Dans tes dents Sandro. Et pour te punir de ton insolence, le revenant quitte l’Inter pour rejoindre les Galactiques du Real Madrid, dont un certain Zinedine Zidane, seul joueur avec Ronaldo à être élu trois fois joueur FIFA de l’année jusqu’à présent.
Mais si les récompenses individuelles pleuvent, les collectives ne sont pas toujours au rendez-vous. L’homme aux grandes dents n’aura jamais soulevé la coupe au grandes oreilles, pourtant passé par le Real et Milan AC, les deux clubs en ayant glané le plus. Manque de pot pour « El gordito » (le petit gros), le Milan AC remporte la LDC en 2007 alors qu’il fait parti de l’effectif pour le championnat mais n’est pas qualifié pour jouer la coupe européenne, ayant entamé la saison sur le banc du Real de Capello.

Entre temps, l’avant-centre s’est offert un nouveau record en marquant son quinzième but lors d’une phase finale de Coupe du monde, jusque-là détenu par Gerd Müller (14 buts).
« Il était différent des autres attaquants » – Emerson
Une fin de carrière en demie teinte
Ce retour en Italie marque le retour de la poisse avec une nouvelle blessure au genou qui l’éloignera des terrains pendant 9 mois. Zizou espère un comeback de celui qu’il considère comme le meilleur joueur avec qui il a joué durant toute sa carrière. La carrière de Ronaldo, elle, aura été marquée également par quelques frasques chez ses compatriotes du Bois de Boulogne après des sorties bien arrosées. Des anecdotes qui viennent un peu ternir le tableau. Mais qu’importe, il nous montre qu’il n’est qu’un homme, avec ses faiblesses.
Son comeback se fera au pays, aux Corinthians. Malgré des abdos Kronenbourg et un cul qui ferait pâlir Beyoncé, il montre qu’il a encore de beaux restes en guidant son équipe en finale du championnat (2 buts à l’aller) puis en finale de la Coupe du Brésil (1 but à l’aller). L’occasion pour lui d’ajouter 2 lignes à son palmarès. Il sera d’ailleurs élu joueur de l’année par les journalistes.
Comme un symbole, Il Fenomeno annonce, en larmes, la fin de sa carrière au lendemain d’une défaite en février 2011, avouant souffrir d’une maladie qui l’empêche de réguler son poids depuis 2007.  Une fin au goût amer pour celui qui aura tant apporté au football moderne,  au goût amer également pour ses fans.

Aujourd’hui, à bien y réfléchir, Alessandro Nesta méritait sûrement le statut de meilleur défenseur du monde. Mais face au meilleur numéro 9 qu’il m’ait été donné de voir, peut-être que la beauté du football a fait qu’il n’en menait pas large, comme tous les autres défenseurs d’ailleurs.
L’homme qui durant toute sa carrière a transformé les défenseurs en plots, aura officiellement marqué plus de 433 buts en 635 matchs. Rien que ça.



Giovanni Etelbert
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