L'actualité du football européen à travers ses buteurs d'exception.

mercredi 5 mars 2014

On 3/05/2014 by Unknown in
Shevchenko ou Chevtchenko. Ce nom vous dit sûrement quelque chose. Bien sûr on ne parle pas ici d'Inna Shevchenko des Femen, qui fait la une des médias ces dernières semaines en montrant ses nibards mais bien de l'ex-enfant prodige du Dinamo Kiev et du Milan AC. S'appeler Shevchenko en Ukraine est un peu comme s'appeler Martin en France. Bien que pour nous autres amoureux du ballon rond, ce nom réveille quelques superbes réminiscences. Retour sur la carrière d'un des plus grands buteurs des années 90/2000.

Le gosse de Tchernobyl 

Andreï Shevchenko est un joueur fidèle. Le numéro 9 ne fut l'homme que de trois clubs. Le Dynamo Kiev dans lequel il fut formé et dans lequel il s'est révélé aux yeux de l'Europe, le Milan AC où il s'est affirmé et devenu une légende, puis à Chelsea où son bilan fut très mitigé. 

Capable de lâcher des frappes de mammouth ou de la caler en finesse dans n'importe quelle position, Shevchenko est parvenu à s'imposer et à dominer l'Europe, dans une période où le jeu était en train d'évoluer, plus tactique, plus mental. Dans une époque où les défenseurs étaient de plus en plus intelligents, plus durs sur l'homme. Et qui plus est, dans un championnat italien qui à cette époque était probablement le meilleur au monde.

Les débuts du jeune Andreï

Ses classes, on le mentionnait plus haut, il les fait au Dynamo Kiev, où il passe cinq saisons. Il va notamment apprendre aux côtés de deux personnes qui vont beaucoup compter dans sa progression : Sergueï Rebrov et Valery Lobanovski. Avec le premier il formera une paire de buteurs intraitables, qui hisseront le club ukrainien en Quart de Finale de la Ligue des Champions en 1997/1998 et même en Demi-finale en 98/99. Avec le deuxième il remportera le championnat tous les ans et le guidera vers le haut niveau, pas à pas.

Shevchenko travaille, progresse, se façonne et après 5 ans de succès en Ukraine, le petit Andreï est connu de toute l'Europe, qui se l'arrachera. Ses plus belles moyennes de but sont avec le Dynamo: 1,32 but par match en 97/98 ou encore 1,44 but lors de sa saison 98/99. Cette année-là, l'enfant de Dvirkivchtchyna se paie carrément le luxe de finir meilleur buteur de la Ligue des Champions, ex-aequo avec Dwight Yorke (8 buts).
En phase de poules de l'année 97/98 Shevchenko claque tout simplement un triplé face au Barça chez lui, au Dynamo Stadium, renommé Valery Lobanovski depuis 2002. Bien qu'on ne parle pas du monstrueux Barça actuel, en face on peut quand même citer quelques non pas dégueulasse comme: Guardiola, Couto, Stoïchkov, Luis Enrique et Sonny Andersson entres autres. Un  triplé contre une institution comme le Barça qui plus est en LDC sera toujours une prouesse hors-norme. Ça tombe bien notre homme l'est, hors-norme.


C'est donc l'Europe entière qui tombe sous le charme du jeune ukrainien déjà férocement efficace, tout en jouant toujours en Ukraine. En ayant eu l'intelligence de rester cinq saisons dans son club formateur, Shevchenko a attendu d'atteindre l'âge de la maturité. À 23 ans, il est prêt. Le Milan A.C sort 25M$ (environ 20M€), somme record, pour s'attacher les services de la petite pépite ukrainienne. L'histoire d'amour qui le liera avec le Milan peut débuter.

Première année, capocannoniere

En arrivant à Milan, le buteur découvre Carlo Ancelott', comme le prononcerait Daniel Bravo, entraîneur expérimenté, déjà vainqueur de deux LDC en tant que joueur. Il comptera beaucoup dans la réussite de l'Ukrainien en Italie notamment en lui faisant tout de suite confiance. Cette année-là, l'attaquant ukrainien passe du statut de jeune prodige capable d'exploits, au Top 10 des meilleurs buteurs européens. Il claque son premier but dès son premier match. Puis remet le couvert le match suivant. Dès la 5ème journée, il régale déjà pour Sheva en inscrivant son premier triplé en Serie A contre la Lazio de Rome lors d'un match épique qui se finit à 4-4. Encore un pion dans le très attendu et prisé derby de la Madonnina contre l'Inter en championnat, qui verra l'Ukrainien briller tout au long de sa carrière. Rebelotte en Coupe d'Italie où Sheva plante encore trois caramels ! A mi- championnat, les tifosi rossoneri ont déjà eu le temps de se faire une idée du bonhomme. Une étoile est née. 29 buts en 43 matches sur sa première saison. Troisième au Ballon d'Or 1999 et déjà adoré par les supporters rossoneri. Bam !

Les débuts sont bons sur le plan collectif, excellents sur le plan personnel. Même si cette place 3ème est encore insuffisante pour les dirigeants, elle est en revanche encourageante dans un championnat très disputé. Avec une moyenne de 0,67 par match, Berlusconi a trouvé son nouveau chouchou. 

Sheva va marquer un but d'anthologie en ce 9 décembre 2001. Un des joyaux de sa carrière. Contre la Juve, dans l'angle droit de la surface à droite, Sheva envoie une mine pied droit. Le Grand Buffon est au tapis. Avec 0,38 buts par match, l'Ukrainien est un peu en dessous de ces temps de passage des années précédentes mais qu'importe. Il est connu comme le Loup Blanc des défenses transalpines et européennes.



Il trompe Casillas dans le grand match de Ligue des Champions opposant le Milan A.C au Real Madrid en cette année 2002-2003. En Demi-Finale de cette même année Inter Milan et Milan A.C s'affrontent. La tension est à son comble et les débats sont heurtés. Sheva s'illustre une nouvelle fois en scorant contre l'Inter. Le Milan se qualifie pour sa 9ème finale grâce au but à l'extérieur, marqué dans le même stade mais qui change de nom suivant que l'Inter ou le Milan joue. Cocasse. Dans une finale 100% italienne dans laquelle le jeu est fermé, où l'on s'ennuie drôlement et qui finira aux tirs au but, le Milan triomphe. Comme un symbole, c'est l'ami Sheva qui marque le dernier face à Gigi Buffon, tout meilleur gardien au monde et explose de joie, heureux comme un gosse. De son côté Dida, portier titulaire de la Seleçao est énorme et sort 3 pénos. Consécration énorme pour Sheva qui, après trois saisons a déjà tant donné, tant marqué pour le club.
En Italie on s'est fait une raison, en règle générale quand Sheva passe, les défenseurs tremblent (avant) et les filets tremblent (après). Andreï et sa gueule d'ange maltraite aussi l'Europe et on s'en méfie.

Shevchenko, en attendant le joli mois de mai, il ne rêve que du Calcio en cette année 2003/2004. C'est le dernier grand trophée qui manque à Sheva. Après avoir remporté le Supercoupe face à ce coach, José Mourinho, vainqueur de la Coupe de l'UEFA et qui a, déjà à l'époque, Quelque chose de Spécial comme chantait La Fouine.

Sheva est déterminé et ça se sent. Il ouvre les hostilités dès la deuxième journée en scorant un doublé. Cette année-là, le Milan voit arriver un jeune prodige du nom de Ricardo Izecson Santos Leite dit Kaka pour préparer la succession de Manuel Rui Costa. Kaka et Sheva vont faire un malheur. Grâce à cette superbe entente, entre autres, les Milanais sont champions à la 32ème journée et notre cher Andreï peut exulter, il remporte (enfin) son Scudetto au bout de cinq saisons passées au Milan A.C . Il profite aussi de cette année pour faire tomber le record de buts du Grand Marco Van Basten (90 buts).


Sheva Ballon d'Or

La plus belle consécration individuelle pour Sheva arrive le 14 décembre, en l'an de grâce 2004. L'Ukrainien devance Deco le nouveau Portuguais, Ronaldinho l'incroyable Brésilien et notre Titi national qui ne cesse de casser des reins et d'empiler les buts chaque weekend Outre-Manche. Toujours classe avec un beau costard, les cheveux assortis au Ballon comme Pavel l'année précédente, Sheva vient de toucher le Graal, récompensé pour sa superbe saison milanaise. Le Ballon d'Or France Football 2004 est à lui. Un vent slave souffle sur ses années 2003 et 2004. Premier ukrainien à le compter parmi ses trophées, il est à nouveau pionnier en la discipline. Cette année encore, le Milan A.C impressionne sur la scène internationale et Sheva  y est pour beaucoup. Manchester, l'Inter, revival du duel des frères ennemis, de deux ans auparavant et le PSV Eindhoven, mené par l'intraitable Van Bommel. Confrontation contre l'Inter pendant laquelle il profite pour coller deux nouveaux buts au Milan véritable souffre-douleur de l'Ukrainien. Buts qui lui permettent d'égaler le record d'avant-guerre de Giuseppe Meazza avec 11 buts au compteur. Andreï Shevchenko rentre une nouvelle fois dans le cercle très fermé des bourreaux de l’Inter. Il sort même son livre Comment coller 11 buts à l'Inter ?  Préface de Pippo Inzaghi des Editions des Capocannoniere.


L'inconsolable d'Istanbul

Malheureusement cette saison va se finir en drame pour les rossoneri. Drame pour certains, miracle pour d'autres. En ce 25 mai 2005, Sheva et son Milan sont faciles à la mi-temps de cette finale de Champions League.  Ils sont en train d'infliger un 3-0 au bout de 45 minutes de jeu à Liverpool l'adversaire du jour. Une piquette qui semble nette et sans bavures  face à une équipe qui, larguée en championnat a tout misé sur cette finale. Comme on le dit à ce moment-là, les Milanais avaient une main  et quatre doigts sur la Coupe. Les Reds emmenés par un Captain Gerrard des grands soirs sont revenus dans le match et le score est de 3-3 à l’issue du temps règlementaire. Sheva rate une énorme occasion à la 118ème minute face à un Jerzy Dudek impérial. La cruauté va encore plus loin quand Shevchenko rate son pénalty ou plutôt que Dudek l'arrête.

L'homme qui avait donné la victoire en finale face à la Juve deux ans plus tôt devient le tireur inconsolable d'Istanbul. Continuant sa route personnelle, Sheva continue de planter contre l'Inter en marquant son 14ème but dans un derby Milanais cette saison-là.


Transfert retentissant et premier échec

A l'issue de cette saison 2005-2006, Sheva l'idole des supporters, l'âme du buteur et l'homme ne sera plus jamais aussi prolifique. Andreï quitte la Lombardie suite aux caprices de Roman Abramovitch mais laisse en héritage de très nombreux buts, des titres, et en prime un très beau chèque de 45M€+Crespo à son club d'adoption. Il devient le plus gros transfert de Premier League à l'époque.
Pour informations il aura inscrit 173 buts en 296 rencontres avec le Milan A.C, première édition. Vainqueur de tous les titres possibles et imaginable, Andreï part avec le sentiment du devoir accompli.

En arrivant à Londres, Shevchenko avait déclaré qu’il voulait que ses enfants apprennent l'anglais. Lui, ne se fera jamais au jeu de la Premier League, n'inquiétant à aucun moment de l'ombre à Didier Drogba, vache sacrée du  Chelsea du Special One. Quart de finaliste en Allemagne à la Coupe du Monde, l'Ukrainien ne marque que 4 petits buts en 30 apparitions soit une moyenne très basse de 0,13 but par match. Une moyenne à faire pâlir un buteur du ventre mou du championnat de France. Du jamais vu pour lui pratiquement depuis ses débuts. La saison d'après est à peine mieux: 5 buts en 17 matches: 0,29 buts. L'Ukrainien ne joue plus et ne rentre pas dans les plans de Mourinho.

Deuxième échec: le retour à Milan

Trois lignes sur le retour de Sheva qui n'est plus vraiment désiré à Milan. Kaka  a été Ballon d'Or un an auparavant, Pato et Ronaldinho sont venus compléter le contingent Brésilien. Rien n'est plus pareil au Milan A.C désormais. Deux buts et quelques bouts de matches voudront ternir son image mais que l'on ne se fasse pas de fausses idées: Sheva a marqué son temps et son époque au Milan de 1999/2000 à 2005/2006.

Retour au Bled, meilleur buteur Ukrainien

Sheva finit sa carrière au Dynamo Kiev et si sa première saison n'est pas flamboyante avec une moyenne de 0,29 but par match, sa seconde est nettement meilleure, avec une moyenne d'un but tous les deux matches. En Ukraine, et depuis son départ, les choses ont changées. Le pays a décroché l'organisation de l'Euro 2012 en featuring avec la Pologne et c’est le Shakthar qui domine. Il finira sa carrière au Dinamo Kiev. Meilleur buteur de tous les temps d'Ukraine et de l'URSS.


A l'international

Shevchenko a toujours joué pour son pays avec enthousiasme et émotion. De 1995 à 2012,  l'enfant de Dvirkivchtchyna aura marqué l'histoire de son pays, portant souvent sa sélection à bout de bras sans pouvoir se qualifier. C'est après avoir inscrit encore 6 buts en éliminatoires de la Coupe du Monde que Shevchenko et les siens voient l'Allemagne et le Mondial 2006. Loin d'être ridicule, l'Ukraine est sortie en Quart de Finale par l'Italie, futur lauréat de la compétition.
Son tout dernier cadeau, sa dernière joie footballistique se fait à l'Euro 2012 quand le pays du prodige organise la compet'. Il inscrira même un doublé mais sortira dès le Premier Tour. Avec 48 buts en 112 sélections Shevchenko  est ce qu'on appelle un buteur hors-pair.

De 1994 à 2012, le buteur aux traits juvéniles a marqué l'histoire du football. Par ses buts ordinaires et nécessaires parfois. Extraordinaires régulièrement. Il aura battu les plus grands gardiens Buffon, Casillas, Toldo, Van der Sar. Shevchenko sait tout faire. Maîtrise technique, simplicité et efficacité sont ses maîtres mots. La puissance et la précision de ses gestes en ont fait l'un des joueurs les plus complets de sa génération.  
            
Depuis la fin de l'Euro 2012, Andreï Shevchenko poursuit son bout de chemin dans un milieu tout autre: la politique. Le buteur a décidé de rejoindre En avant l'Ukraine! et de défendre les intérêts des entreprises. Malgré un départ controversé dans ce milieu, et vue la situation du pays, on lui souhaite bonne chance !

Gabriel Fabre
Vous pouvez suivre l’auteur sur Twitter : @FabreGabriel