vendredi 14 février 2014
On 2/14/2014 by Unknown in ETOILES FILANTES
On les a propulsés comme les héritiers d’Henry et
Trezeguet. Ils avaient des avenirs tracés et des carrières qui ne pouvaient pas
leur échapper. Et pourtant à 30 piges, Sinama-Pongolle évolue au FK Rostov en
Russie et Anthony Le Tallec est paumé dans le nord à Valenciennes. Du talent à
revendre et des choix de carrière à gerber. Qui est le coupable ? la
jeunesse, l’oseille, le football français ? Dans la catégorie Etoiles
Filantes, on a deux champions.
Le Tallec et Sinama-Pongolle c’est l’histoire de deux
cousins par alliance, nés en octobre 84. Le premier est breton tandis que le
second vient d’ile de la Réunion. Un peu avant leurs 10 ans, les deux cousins
se rencontrent dans un tournoi de pré-minime. Un an plus tard, le réunionnais
fait le grand saut pour la Bretagne et la famille Le Tallec où il passera le
reste de son adolescence. A 14 ans, ils rejoignent le centre de formation du
Havre. Le Havre, club de 1ère division où évoluent entres autres,
Vikash Dhorasoo et Jean-Alain Boumsong. Alors qu’ils brillent en catégorie de
jeunes au Havre, ils sont appelés pour porter le maillot bleu des U17. Les
buteurs du Havre font une ascension qu’ils n’avaient probablement pas imaginée.
Jean-François Jodar, le séléctionneur de cette équipe des
U17 de l’Equipe de France, les appellent pour le mondial U17 de l’année 2001
qui se joue dans le pays très exotique du Trinité-Et-Tobago. Numéro 7 pour Le
Tallec, et 9 pour Sinama-Pongolle, ils vont vivre le plus beau mois de leur
vie. Accompagné par des jeunes cracks de l’époque comme Mourad Meghni, Hassan
Yebda, ou Jacques Faty, la sélection U17 à la mission de représenter la France
qui a vu leur ainés remporté le Mondial trois ans plus tôt et l’Euro l’année précédente.
Le Tallec dans le rôle de Trezeguet, Sinama-Pongolle dans celui d’Henry, Meghni
dans la peau de Zidane et Faty dans celle de Desailly. Vous prenez ces quatre
joueurs aujourd’hui. Vous rigolez. Et c’est méchant.
Sinama-Pongolle claque sept buts en trois matchs, la
France se qualifie pour les ¼ de finale et affrontera le Brésil. Dans ce match,
Le Tallec et Sinama-Pongolle auront envoyé le Brésil au tapis. En demi, la
France affronte l’Argentine et l’apache Carlos Tevez. Victoire 2-1 grâce à des
buts de Le Tallec et Berthod. En finale, face au Nigéria, victoire 3-0, sans
contestation possible. Le Tallec et Sinama-Pongolle ont marqué. Sacré
génération 84, dorée grâce à 18 joueurs prometteurs mais qui n’aura brillé que
durant ce tournoi. Seul Sinama-Pongolle portera le maillot bleu avec les A. Les
autres iront jusqu’aux espoirs et d’autres comme Meghni, Fae ou Faty joueront
pour l’Algérie, la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Reds à 17 ans.
Les recruteurs du monde entier sont impressionnés. Flèche
rouge durant toute la compétition, Sinama-Pongolle termine meilleur buteur avec
9 pions en 6 matchs et est élu meilleur joueur du tournoi. Le Tallec a aussi
les recruteurs aux basques. Manchester United, la Juventus, Arsenal et Chelsea
leur font la cour et pourtant c’est Liverpool qui rafle la mise. Le foot
français s’interroge. Houiller jubile. Les deux champions du monde sont tout de
même prêtés deux ans au Havre afin de glaner un peu de temps de jeu avant le
grand saut.
Le Tallec jouera 24 matchs et 5 buts alors que Sinama-Pongolle ne joue que 11 matchs pour 2
buts. Pour la deuxième saison de leur prêt, ils jouent ensemble une trentaine
de match où Sinama-Pongolle marque cinq buts et son compère en deux. Ces
statistiques décevantes sont accompagnées par le mépris dont ils font preuve
face à certains membres du club qui leur reprochaient d’avoir pris la grosse
tête. Liverpool, pas vraiment inquiet par ce manque d’efficacité, rappelle ces
deux « cracks » pour la saison 2003/2004.
Ils arrivent chez les Reds contre un total de 3 millions
de livres et prennent place dans un vestiaire de joueurs de haut niveau et de véritables stars du football mondial : le Ballon d’Or 2001, Michael
Owen, Steven Gerrard, Harry Kewell, entre autres. Les deux jeunes
du Havre ont des étoiles pleins les yeux. Numéro 24 dans le dos pour Sinama-Pongolle,
le 20 pour Le Tallec. Pour leur première saison, Anthony jouera 23 matchs pour
un but, qui sera aussi son unique but pour Liverpool alors que Florent jouera
autant de match pour deux buts. Houiller s’en va. Benitez arrive. Pas vraiment
fan des deux joueurs, le nouvel entraineur décide d’envoyer le moins performant
des deux en prêt, et c’est Anthony qui s’en va pour six mois à l’AS
Saint-Etienne. Malgré l’arrivée de Djibril Cissé et Morientes, Sinama-Pongolle passera
toute la saison avec les Reds et jouera 26 matchs pour 4 buts dont un en Ligue
des Champions. Chez les Verts, Le Tallec ne joue pas vraiment plus qu’à Liverpool
et marque un seul but. Il revient à Anfield en Janvier 2005 pour 7 matchs. Le
25 mai 2005, toute l’équipe de Liverpool est à Istanbul pour la finale de la
Ligue des Champions. Cissé est sur une jambe, les deux gus sont du voyage même
si Le Tallec ne figure pas dans le groupe.
« Cela reste une grande fierté. Bien sûr, j'ai été très déçu que le coach (Rafael Benitez) ne me retienne pas. Surtout quand j'ai vu Kewell, avec qui j'étais en concurrence, se blesser au bout de vingt minutes. J'ai eu les boules. J'avais pourtant joué en quart contre la Juventus et j'étais sur le banc en demie contre Chelsea. A la mi-temps (3-0 pour Milan), j'ai cru qu'on allait en prendre cinq. Mais quel retournement ! Le coach a su trouver les mots et a fait les bons changements. C'est là que tu te dis que le football est magique. Je suis allé récupérer ma médaille et j'ai pu toucher la coupe. Mais c'est en rentrant le lendemain à Liverpool que j'ai vraiment réalisé qu'on avait réussi quelque chose d'extraordinaire. » (Anthony Le Tallec)
A 20 ans, ils ont donc remporté la Ligue des Champions
sans vraiment y être pour quelque chose, les deux bretons sentent que c’est la
fin pour eux à Anfield. Direction Blackburn pour Sinama-Pongolle et Sunderland
pour Le Tallec. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'ils n'auront pas marquer l'histoire de ces clubs. Le Tallec retrouve la France et le FC Sochaux alors que Sinama-Pongolle
décide de rejoindre le Recreativo Huelva. Alors âgé de 23 ans, les deux joueurs
redécouvrent la joie de marquer plus de cinq buts par an. Huit buts en trente
matches à Sochaux pour l’un et 12 en autant de match du côté de Huelva. En vidéo : la belle saison de Pongolle en Espagne.
Les
deux veulent rester dans leur nouveau club mais pour Anthony cela ne se fera
pas. Le Tallec est finalement prêté au Mans pour remplacer Grafite mais Sinama-Pongolle
signe lui pour 4 ans contre 4 millions d’euro avec son club espagnol et va attirer
l’œil de pas mal de monde. En effet, après une deuxième saison convaincante, il
s’engage contre huit millions à l’Atletico Madrid où il évolue aux côtés de
Sergio Aguero et Diego Forlan. On se dit qu’enfin, il y en a un des deux qui a
percé. Il attire aussi ce bon vieux Raymond (Domenech) qui le sélectionne avec les A’ contre le Mali.
Lors de ce match il marquera un but, fera une passe décisive et obtiendra un
penalty. Avec les A, il rentre contre la Tunisie quelque temps après, numéro 15
dans le dos, pour quelques minutes. Les seules minutes d’un champion du monde
U17 né en 1984 en Equipe de France. Le Tallec reste jusqu’en 2010 au Mans où il
évoluera comme neuf et demi et où sa qualité de passe est préféré à sa
non-qualité de finition.
Joueurs lambdas à 29 ans.
L’aventure de Sinama-Pongolle à Madrid sera une vaste
blague ou la concurrence est trop forte et les blessures comment à arriver. En près
de soixante matches, il plantera sept pauvres pions et se verra montré la porte
de sortie. Direction le Sporting Portugal où durant deux ans, le réunionnais ne
jouera quasiment pas, préférant retourner auprès de sa famille en Espagne pour
des raisons de santé, de sa fille notamment. Il est prêté, à Saragosse, de 2010
à 2011 et retrouvera la France pour la première fois depuis huit ans en signant
un an à Saint-Etienne jusqu’en 2012. Là encore, gros flop avec quatre buts en
trente matchs. Depuis lors, il est le troisième attaquant d’une équipe du bas
fond du championnat russe au FK Rostov, numéro 24 dans le dos. Avant de
reprendre la compétition le 2 mars prochain lors des quarts de finale de la
Coupe de Russie, il s'est illustré cette semaine en réalisant un quadruplé en
amical contre Oural Iekaterinbourg. Swag.
Quant à Le Tallec, il joue aujourd’hui à Valenciennes ou
il est arrivé d’Auxerre. Au sein du club bourguignon, il a pu rejouer la Ligue
des Champions mais après une première saison où il passera trois mois à
l’infirmerie, il chauffe le ban. La saison suivante, il annonce qu’il marquera
15 buts mais n’en marquera que quatre. Pire encore, il verra l’AJA descendre en
Ligue 2.
En signant dans le Nord, le breton brille par
intermittence et s’installe comme un joueur pas trop mauvais de Ligue 1. Proprio
d’un centre de foot indoor à 5, il prépare petit à petit sa reconversion. Même
s’il n’en a pas fini avec le monde pro.
A qui la faute ?
Ce double-transfert avait fait couler beaucoup d’encre à
l’époque. On a reproché à Gérard Houllier, entraineur de Liverpool au moment
des faits, de les avoir recruté trop tôt, de les avoir « piqué » à
notre 1ère division de l’époque. Mais Houllier déclarait il y a
quelques années : « Le Havre m'a reproché de les avoir pris trop tôt. Mais
sans ces transferts, le HAC mettait la clé sous la porte. Et je suis prêt à en
débattre avec les dirigeants havrais. »
Alors si ce n’est pas la faute du DTN français, ni du
Havre « contraint » de les laisser filer, est-ce la faute de ces deux
jeunes qui ont vu un des plus grands clubs du monde leur tendre les bras ?
il y en a d’autres qui sont partis trop tôt probablement. Sauf que si tu es talentueux,
tu réussis, comme Anelka (parti à Arsenal à 16 ans), Pogba (parti à Manchester
United à 17 ans) ou Varane (parti au Real Madrid à 18 ans). Mais si tu n’as pas
le mental, l’encadrement et surtout le talent nécessaire pour te développer et progresser hors de tes frontières, dans des clubs où évoluent des joueurs largement plus
forts et plus expérimentés que toi, tu finis comme Aliadière, N’Gog,
Sinama-Pongolle et Le Tallec, à savoir : oubliés.
Théo Briot
Vous pouvez suivre l’auteur sur Twitter : @TheoBriot